vendredi 18 janvier 2008

Immobilier : Faut-il investir en Chine ?

Le boom immobilier particulièrement fort en Chine donne des envies. Mais le corpus législatif et la précarité du cadastre rendent l’opération beaucoup moins attrayante que les chiffres ne le supposent.


Ils grimpent vite, les loyers des logements chinois. Très raisonnables il y a encore deux ans, ils ont connu depuis une croissance à deux chiffres et la spéculation immobilière a fait de l’acquisition d’un appartement un investissement coûteux.

Le dynamisme économique a provoqué des restructurations fondamentales dans les paysages urbains, afin d’adapter les logements aux revenus croissants. Les 700 premières villes chinoises bâtissent à tour de bras des gratte-ciel afin de répondre à la demande, au risque parfois de l’anticiper.

Les prix augmentent vite et le choix est grand, entre villa cossue dans les ghettos inversés pour nouveaux riches et appartements luxueux dans de grandes tours. Les tarifs au mètre carré restent en outre très abordable pour l’instant pour un Occidental : à Pékin par exemple, le m2 coûte en moyenne 600 euros. Un prix alléchant quand on lit les rapports de croissance du secteur. Même les "siheyuan", ces demeures traditionnelles à cour carrée qui parsèment les hutongs sont en vente. Entre 1 700 et 3 500 euros le mètre carré, ces superbes maisons d’une valeur historique inestimable sont en voie de disparition et leur prix n’en finit plus de s’envoler. Celles qui sont mises en vente peuvent parfois même être gigantesques, jusqu’à 6 000 m2 en plein centre de Pékin. Mais y vivre implique souvent d’avoir à y effectuer des travaux d’ampleur décourageante pour mettre à niveau les systèmes électriques ou la plomberie. "Sans parler du problème du chauffage, on a vécu l’hiver dernier avec un maximum de 14 degrés dans la maison car il n’y a pas d’isolation correcte …" raconte Sophie qui appréhende l’arrivée des grands froids.

Surtout, acheter en Chine signifie devenir propriétaire des murs. Mais dans la loi du pays, le sol, lui, reste attaché à l’Etat communiste. Acheter une jolie bâtisse pour la voir être rasée moins d’un an plus tard avec des dédommagements minimes est tout à fait plausible. Récemment, le Café de la Poste, une brasserie française qui avait ouvert dans un petit hutong a dû fermer ses portes après seulement six semaines d’activité. Il a vu une partie entière de son espace réquisitionné pour élargir la rue. Le cadastre est absolument imprévisible, et le plus souvent, l’acheteur n’y a tout simplement pas accès. Prévoir semble impossible.

"C’est un risque, effectivement mais les agences que nous avons contactées nous ont assuré qu’il y avait peu de risques pour les nouveaux immeubles" raconte Pascal qui hésite encore à acheter, après des mois de réflexion.

Conscient du problème, le gouvernement a décidé d’adopter une série de réformes visant à changer la nature des transactions immobilières et à les inscrire dans le long terme. Le boom immobilier chinois a entraîné une hausse de la spéculation et le gouvernement lutte désormais fermement contre les parieurs de l’urbanisme. Fin juin, le parlement du peuple a par exemple adopté plusieurs mesures : il a augmenté à 30 % l’apport de départ à investir pour acquérir un second immeuble. Il a également limité à un logement par personne les possibilités d’achat pour les étrangers. Il a relevé de 2 à 5 ans la période pendant laquelle une taxe importante est infligée à la revente. Il a enfin relevé les taux d’intérêt pour les prêts immobiliers et a fixé un objectif quantitatif de 70 % de logements inférieurs à 100 m2 dans les grandes villes. Certaines, comme Pékin, essaient de jouer le jeu et de freiner la course. Mais d’autres comme Shanghai ont décidé de contourner la loi limitant les étrangers à l’achat une seule propriété.

Néanmoins, ces mesures ont déjà eu pour effet de largement calmer les spéculateurs. L’objectif de cette action est également de recadrer le marché de l’immobilier vers les salaires modestes. En effet, la hausse des prix des logements a pénalisé lourdement les catégories les moins favorisées de la population qui n’osent plus se lancer dans l’acquisition de leur logement. De même, la spéculation orchestrée par les investisseurs cossus ou les étrangers a entraîné une situation alarmante d’anticipation de la demande. De nombreux logements haut de gamme restent vacants dans les nouvelles tours alors que les familles moins aisées ne trouvent pas de logements à un prix acceptable.

Aujourd’hui, il ressort des perspectives du marché immobilier chinois un constat ambigu. Si les prix sont toujours à la hausse, le décalage qu’ils creusent avec la réalité des besoins entraîne une situation dangereuse. Le gouvernement essaie de contrôler comme il peut en sécurisant au maximum la bulle qui se gonfle. Mais la situation est désormais risquée pour l’acheteur potentiel : seules les acquisitions à long terme sont désormais intéressantes mais les garanties que suppose la propriété en Chine sont insuffisantes. Pour acheter un appartement en Chine, il faut donc vouloir prendre un risque à long terme. Et sans garantie que le jeu en vaille bien la chandelle …

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